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Finir son dossier. Vérifier la validité du travail de la journée. Quitter le plus tôt possible, après un passage aux lavabos.
Elle avait bien sur préparé au maximum sa transformation. Avant de partir au travail, les sous-vêtements pensés durant la nuit entre deux sommeils ont été sortis du tiroir.
Les bas sont noirs, nylon licra, enveloppants, discrètement présents lors des mouvements de jambes, de pieds, de chevilles, de mollets, de genoux, de cuisses. Pas de guêpière possible, trop visible sous une chemise d’homme, même avec une veste. Alors porte-jarretelles noir en dentelles, large, jarretelles sous la culotte coordonnée soulignant la courbe des fesses. Pantalon, chaussures d’homme, chemise et veste. Aujourd’hui pas de soutien-gorge, la soirée sera avec prothèses : le soutien-gorge de soutien pour les prothèses en silicone ne sera mis qu’avant l’habillage en robe, le soir.
Quelques ablutions, correction des sourcils, inspection du visage…
Ce visage qui peut trahir sous le meilleur maquillage. Heureusement il est fin, l’ossature n’est pas marquée. Eternel problème de la pilosité. L’employé de bureau commence à se mettre en retard. Le temps comme toujours file vite.
Il rejoint l’hôtel dans lequel une chambre lui a été retenue. Nom du titulaire de la chambre. « Voici monsieur, bonne soirée ».
Il pousse et tire la valise, la dispose, défait ses habits d’homme et sort la grosse trousse de maquillage, la robe, le soutien gorge, la perruque, les escarpins…
Salle de bain. Mauvais éclairage. Pilosité. Brossage de dents, rafraîchissement menthol. Brossage de la perruque, essayage. Fond de teint, discret parfum de la poudre. Les yeux. Fard, crayon, rimmel… Ne pas trembler, pas de larme. Capital.
Les joues, le cou, les lèvres : une fois, deux fois, retour sur les cils, soutien gorge, robe. Ajustement, perruque, brossage des cheveux. Talons. Rouge à lèvres, sac à main, téléphone, carte de crédit, poudre, bâton de rouge, bas de secours, brosse, papier d’identité. Mouvements de la tête pour donner du naturel à la coiffure blonde.
Claquement des talons. Enervement. Retard. Descendre. Dans l’ascenseur le cœur qui bat. Toujours la peur de déplaire, d’être ridicule. Trop grande, trop voyante… passer inaperçue avec 1m84 et des talons de 11 cm.
Respirer, sourire pour reprendre la direction de son corps, de sa démarche, de son regard. Projeter son désir de plaire, son plaisir d’être esthétique. Charmer pour faire oublier ses imperfections. Faire le vide du reste, conquérir.
Rapidement, oublier son corps pour analyser les présents, les lieux. Le salon, le bar. Plus de fumée dans les bars. Dommage. Clara aimait les ambiances cigares. Le cigare va bien avec les genoux d’une femme. Veloutes et courbes, toutes deux mouvantes, formes imprévisibles bien que somme toutes répétées.
Joyeuse pour pétiller des yeux, souriante pour capter son auditeur, elle va sentir, aspirer ses ondes, pour devenir empathique, s’accorder à son diapason comme plus tard elle calquera sa respiration à la sienne. Harmonie. Fusion de deux êtres qui ne se connaissaient pas forcément et qui recherchaient une parenthèse de vie et un lâcher-prise en confiance.